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Steve Gagnon, un cri du coeur pour la Journée québécoise pour la santé et le bien-être des hommes
À l’occasion de la Journée québécoise pour la santé et le bien-être des hommes, l’écrivain, dramaturge et metteur en scène Steve Gagnon pousse un cri du cœur dans une lettre ouverte à tous les Québécois : La survivance insupportable des trains.

Montréal, le 18 novembre 2021 – Dans une lettre ouverte «  la survivance insupportable des trains », le nouveau porte-parole du Centre de Ressources pour Hommes de Montréal invite les Québécois à se mobiliser pour faire changer les comportements masculins traditionnels.


La survivance insupportable des trains

 

Nous sommes à bord d’un train qu’il faut faire dérailler. Il est en marche depuis des siècles. L’intérieur de ce train est étroit, anxiogène, toxique.

Depuis des années j’ai l’impression d’y avoir échappé, de ne pas participer à sa survivance, de lui faire des doigts d’honneur les deux pieds sur un terrain vague, à l’air frais. Mais. Je suis bel et bien à bord de ce train. Assis quelque part, à l’arrière.


Il y a quelques semaines je suis allé cueillir des pommes avec mes enfants. Il y avait une petite grange à l’intérieur de laquelle il y avait toutes sortes de vélos. Un homme et une femme sont entrés avec leur petit garçon, la mère a assis son fils sur le seul vélo approprié à son âge et à sa motricité; un petit tricycle mauve avec des froufrous roses accrochés au guidon. L’homme a foncé sur son fils, l’a immédiatement écarté du vélo

et quand je l’ai entendu dire à sa femme « franchement crisse c’est un bicycle de fille » je n’ai rien dit.

Je suis bel et bien à bord du train.


L’été dernier j’étais dans un souper de famille, c’était la frénésie, on ne s’était pas vu depuis des lustres, les enfants couraient partout, c’était la fête.

Quand j’ai entendu deux pères avouer leur crainte que l’un de leurs garçons soit homosexuel, quand je les ai entendu dire « je l’aimerais quand même mais me semble que j’aurais de la misère oui c’est ça moi aussi » je n’ai rien dit.

Je suis bel et bien à bord du train.


Il y a quelques années j’ai fait partie de la distribution d’un spectacle extraordinaire, épique et poétique. Nous étions plusieurs hommes sur scène et quand, après les représentations, j’en entendais faire des concours à qui « mangerait le plus de culs » dans la place, quand j’en ai entendu un dire « moi je leur mangerais toutes la plotte » je n’ai rien dit.

Je suis bel et bien à bord du train.


Je crois que nous sommes tous, au fond, encore à bord de ce train. Que nous participons tous, au fond, encore à son insupportable survivance. Nous n’avons qu’une toute petite idée de la vie vaste, luxuriante, généreuse, qu’il y a partout ailleurs, à l’extérieur des wagons. Et. Et je me demande : Serons-nous ces hommes courageux qui manigancerons le déraillement de ce train pour, enfin, être libres. Et justes. Et infiniment plus reluisants.

Serons-nous ces hommes courageux qui imposerons des masculinités de non-domination, égalitaires, affranchies des vieux stéréotypes qui persistent.


Quoi qu’on en dise, peu importe que les choses aient commencé à changer lentement, le train est encore en marche. Le courage commence dans la parole. Et se taire, c’est rester assis quelque part dans un wagon

derrière.

***

                   Steve Gagnon est écrivain, acteur, metteur en scène et le nouveau porte-parole du CRHM.

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